«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

dimanche 24 mars 2013

Kossuth et le Concerto pour Orchestre de Bartok chez CPO


Béla Bartok (1881-1945)

Kossuth (1903)
Concerto pour Orchestre (1943)
Danses populaires roumaines (1917)
ORF Radio-Symphonieorchester Wien
Cornelius Meister, direction
Enregistrement juin 2011 et et juin 2012


Quel couplage exceptionnel et paradoxal nous propose cette nouveauté de la maison allemande CPO, en enregistrant le poème symphonique Kossuth et le Concerto pour Orchestre de Bartok.


Bartok profita d'un séjour estival en 1903 en Autriche, où il étudia avec le compositeur Ernö Dohnányi, pour compléter l'oeuvre et faire l’instrumentation de sa première "grande oeuvre" son poème symphonique Kossuth.
La musique s'inscrit dans la tradition post-romantique allemande et autrichienne, de Richard Strauss. Évidemment ça ne sonne pas comme du  Bartok, même les grands compositeurs doivent commencer quelque part. On sent aussi l'influence Liszt, surtout dans les thèmes à caractère nationaliste, qui racontent musicalement l'histoire tragique de l'héros de la révolution Hongroise de 1848: Lajos Kossuth. Bien que l'effectif orchestral soit imposant (bois par 4), cette première grande partition dénote  une certaine inexpérience dans l'usage des doublures dans les instruments, qui ne donnent pas souvent l'effet recherché.

Mais on se trouve dans un tout autre monde lorsqu'on écoute son concerto pour orchestre de 1943, oeuvre de sa pleine maturé, américaine, dû à son triste exile forcé de son Europe en guerre, et qui a contribué au renom mondial du compositeur. Commandé par l'Orchestre de Boston, elle fut jouée pour la première fois en 1944 sous la direction de Koussevitzky. Elle a une intention délibérément didactique, son but serait de permettre à un large public de concerts d'entrer dans le monde sonore, parfois très hermétique de Bartok.

Le disque finit par le recueil de danses populaires roumaines pour orchestre, composées en 1917, Elles ont été transcrites du piano, et marquent toute une étape du compositeur voulant faire connaître la musique nationale de plusieurs pays des régions de l’Europe Centrale et des Balkans.

Très beau disque, surtout pour le poème symphonique qui hélas ne s'enregistre pas souvent.
Bravo pour le jeune chef Cornelius  Meister, qui dirige la très bonne Orchestre Symphonique de la radio de Vienne.
Merci à CPO encore une fois, de nous faire découvrir quelques trésors injustement oubliés.

CPO, SACD: 777784-2

Philippe Adelfang.

mardi 19 mars 2013

Mes plaisirs... le nouveau disque de Marc Hervieux avec l'OSQ sous la direction de Stéphane Laforest chez Atma Classique


Avec son nouveau CD Mes plaisirs…, le ténor Marc Hervieux offre ses «coups de cœur» de la chanson française et québécoise. Ces chansons populaires sont présentées ici dans des orchestrations symphoniques réalisées par Simon Leclerc, spécialement conçues pour ce disque qui comprend des titres comme L’hymne à l’amour, Et maintenant, Ils s’aiment, Les plaisirs démodés, ou encore La quête. Pour ce programme enregistré en concert à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec en février dernier, Marc Hervieux était accompagné par l’Orchestre symphonique de Québec sous la direction de Stéphane Laforest.
Arrangeur de ce disque, Simon Leclerc est devenu un arrangeur-orchestrateur très demandé par les artistes québécois. Il a entre autres été responsable des concerts symphoniques donnés par l’OSM autour des Lorraine Desmarais, Isabelle Boulay, Laurence Jalbert et de Starmania et Notre-Dame-de-Paris.

Associé à la série pop de l’Orchestre symphonique de Québec, Stéphane Laforest est probablement le chef d’orchestre classique qui a dirigé le plus de concerts symphoniques pop au Canada. On le voit régulièrement aux côtés d’artistes du milieu populaire, tels que Gregory Charles, Robert Charlebois, André Gagnon, Sylvain Cossette et bien d’autres. M. Laforest est présentement directeur artistique et chef d’orchestre de l’Orchestre symphonique de Sherbrooke (depuis 1998) et directeur artistique et chef d’orchestre de la Sinfonia de Lanaudière, orchestre qu’il a fondé en 1994.

Reconnu comme l’un des principaux moteurs de l’activité musicale de la région de Québec, l’Orchestre symphonique de Québec rejoint chaque année au-delà de 400 000 personnes. La discographie de l’OSQ compte aujourd’hui 22 enregistrements, ce qui contribue grandement à son rayonnement international. Maestro Fabien Gabel, nommé le 1er décembre 2011, est le onzième chef et directeur musical de l'Orchestre symphonique de Québec.
Atma: ACD2 2640

Voici deux photos du lancement du disque de Marc Hervieux au Théâtre Rialto, le lundi 18 mars.


Photo: Glenda Rush
Photo: Glenda Rush



Symphonie n°6 de Bruckner chez Atma Classique


Après avoir obtenu un Félix pour l’enregistrement de la Symphonie no 4 d’Anton Bruckner avec l’Orchestre Métropolitain, Yannick Nézet-Séguin s’attaque à la Symphonie no 6 du maître autrichien. Il s’agit du cinquième enregistrement ATMA des symphonies de Bruckner avec l’Orchestre Métropolitain sous la direction de maestro Nézet-Séguin. Les symphonies nos 4, 7, 8 et 9 de Bruckner déjà parues ont été acclamées par la critique.
Directeur artistique et chef principal de l’Orchestre Métropolitain depuis l’an 2000, Yannick Nézet-Séguin est parmi les chefs les plus demandés au monde. En septembre 2012, il est devenu directeur musical du prestigieux Orchestre de Philadelphie. Ce poste s’ajoute à celui de directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam où il a succédé à Valery Gergiev en 2008. Depuis cette même année, il est également chef invité principal de l’Orchestre philharmonique de Londres.
Ce printemps, Yannick Nézet-Séguin dirigera La Traviata de Verdi au Metropolitan Opera de New York (du 14 mars au 6 avril), le Requiem de Verdi, avec l’Orchestre Métropolitain (le 24 mars, à Montréal), et, finalement, il se consacrera à un programme dédié aux œuvres de Strauss, avec l’Orchestre du Centre national des Arts d'Ottawa et l’Orchestre Métropolitain (les 8, 9 mai à Ottawa et le 10 mai à Montréal).
Atma: ACD2 2639

jeudi 14 mars 2013

Weinberg: Cello Concerto op.43; Symphony No.20 op.150 chez Chandos

Weinberg: Cello Concerto op.43; Symphony No.20 op.150
Claes Gunnarsson, violoncelle
Gothenburg Symphony Orchestra
Thord Svedlund, dir.
Chandos SACD: CHSA 5107

J’ai déjà mentionné ici à quel point j’aime la musique de Mieczyslaw Weinberg (1919-1996), compositeur soviétique d’origine polonaise dont l’esthétique est une proche cousine de celle de Chostakovitch, sans en être un clone superficiel.

Le Concerto pour violoncelle, écrit en 1948, est tout bonnement superbe. Sa mélodie initiale, d’un ample lyrisme, donne le ton au reste de l’œuvre. On se retrouve ici en pleine atmosphère de mélancolie, elle-même empreinte de couleurs hébraïques qui rappellent évidemment les mêmes traits de plume de Chostakovitch (auquel Weinberg vouait une grande admiration). Un moderato au caractère indéniablement juif précède un allegro se voulant plus pastoral, mais où les coloris folkloriques se font plus discrets. Le mouvement final apporte une conclusion vigoureuse, teintée d’un certain sarcasme typique, mais pas aussi virulent que celui de Chostakovitch. Voici un concerto qui mériterait franchement d’être entendu bien plus souvent dans nos salles de concert!

La Symphonie no.20 a été écrite en 1988. Elle fait partie des symphonies plus « modernes » de Weinberg écrites après la mort de son mentor spirituel. En effet, après 1975, la production symphonique de Weinberg se divise principalement en 2 catégories : des symphonies « aimables », résolument dédiées au service du réalisme socialiste officiel, et visant à célébrer la patrie, le peuple et la grandeur des idéaux socialistes, puis une autre catégorie, celle des symphonies « personnelles », où le compositeur se permettait d’explorer de nouveaux territoires sonores.

L’op.150 fait partie de ce groupe. L’expression franchement austère de cette symphonie n’enlève en rien la remarquable qualité de son écriture texturée et pointilliste. Austérité, oui, abstraction formaliste, non. Weinberg conserve toute sa prose discursive, cette fois encadrée dans une conception stoïcienne et dépouillée de l’expression symphonique. Il sait jouer avec les bois comme le meilleur Chostakovitch, mais il se permet une exploration harmonique que le maître n’a jamais osé tenter. Deux longs mouvements lents encadrent trois courts mouvements plus rapides. Le 4e,  un scherzo assez massif comparé aux autres mouvements, est particulièrement spectaculaire. Le 5e et dernier mouvement, se termine, ironiquement sur un accord majeur affirmatif, comme une sorte de clin d’œil ou de sourire en coin. L’homme avait manifestement le sens de l’humour.

Performance nec plus ultra de Claes Gunnarsson au violoncelle et de l’orchestre de Gothenburg sous la baguette convaincante de Thord Svedlund.

Frédéric Cardin

Turina : Danzas fantasticas; Poema en forma de canciones; Saeta en forma de salve a la virgen de la esperanza; Farruca from « Triptico »; Ritmos; Sinfonia sevillana

Turina : Danzas fantasticas; Poema en forma de canciones; Saeta en forma de salve a la virgen de la esperanza; Farruca from « Triptico »; Ritmos; Sinfonia sevillana
Clara Mouriz, mezzo-soprano
BBC Philharmonic
Juanjo Mena, dir.
Chandos: CHAN 10753

Un ami a déjà dit à un jeune homme épris de la musique de César Franck, d’oublier cette voie et de plutôt se concentrer sur les mélodies de son Espagne natale afin de puiser son inspiration. Ce que le jeune compositeur fit. On ne peut que remercier le destin qui a mené à de telles beautés musicales. Ce disque de la maison Chandos nous fait voyager sur les chemins sinueux et parfumés du crépuscule halitueux d’une Hispanie onirique, telle que dessinée par le jeune homme, devenu compositeur, et appelé Joaquin Turina (1882-1949).
Ah oui, l’ami en question s’appelait Isaac Albeniz.

J’adore ces sonorités empreintes d’une fièvre contenue, frémissante de bruissements de feuilles dans les glycines en fleurs sous un soleil déclinant mais chatoyant de pourpres et d’orangés enveloppants.
Les Danzas fantasticas op.22 reflètent à merveille cet esprit et les couleurs évocatrices de l’univers musical hispanique. Chez Turina, une sorte d’impressionnisme côtoie un romantisme appuyé sur le folklore et les modes suggestifs des musiques traditionnelles populaires. On détecte ici une ressemblance évidente avec Chabrier (Espana), là une autre avec de Falla. Le résultat est superbe.

Poema en forma de canciones op.19 fait appel à une mezzo-soprano et évoque l’Andalousie chantée par les artistes populaires, présents dans chaque village. Farruca est à l’origine une danse masculine, mais cette pièce fut composée pour une chanteuse extrêmement célèbre à son époque. Saeta en forma de salve a la virgen de la esperanza fait référence à la vierge protectrice de Séville et, pour une rare fois chez Turina, abandonne les rythmes traditionnels en faveur d’un chant de dévotion poignant.

Ritmos op.43 est une musique composée pour un ballet qui n’a jamais été monté. La suite orchestrale est d’un très bel effet et constitue une sorte de passage des ténèbres vers la lumière. Encore une fois, plusieurs rythmes de danse sont utilisés et le côté générique associé trop souvent aux musiques utilitaires de ce type n’est heureusement pas présent. Turina signe une magnifique partition qui oscille entre Debussy, Puccini, Ravel et, bien sûr, l’Espagne millénaire! 

La Sinfonia sevillana op.23 est plus une suite inspirée de la ville natale de Turina qu’une réelle symphonie au sens formel et musicologique du terme. Trois mouvements, sortes de fresques visuelles et sensorielles luxueusement colorées, se suivent : Panorama (regard somptueux et amoureux sur Séville), Por el rio Guadalquivir (évocation romantique du fleuve qui baigne la ville à grand coups d’élans mélodiques et de tendres solos tenus par violons et bois) et Fiesta en San Juan de Aznalfarache (une fête jubilatoire, pleine de fanions, de feux et de sourires) où l’orchestre explose littéralement dans une gerbe lumineuse diaprée de mille teintes. 

Je ne peux que vous suggérer le plus passionnément possible de courir vous procurer ce magnifique disque (ou encore de le télécharger!). Il mérite la plus grande attention de tout mélomane qui se respecte.

Frédéric Cardin

Rubinstein : Don Quixote; Ivan IV chez Delos

Rubinstein : Don Quixote; Ivan IV
State Symphony Orchestra of Russia
Igor Golovchin, dir.
Delos: DRD 2011

Ce disque est une réédition d’une parution Russian Disc de 1994. L’exécution était déjà bonne à l’époque, et le temps n’a pas altéré la qualité de la lecture de l’orchestre russe sous la direction d’Igor Golovchin.

Anton Rubinstein (1829-1894), pourtant très prolifique avec une vingtaine d’opéras, 6 symphonies, 5 concertos pour piano et beaucoup de musique de chambre, demeure largement oublié de nos jours. Si ce n’avait été qu’il fut le professeur d’un certain Tchaïkovsky, ce serait peut-être encore pire.
La musique que l’on entend ici est assez typique de Rubinstein : plus européenne que spécifiquement « russe », intelligemment construite mais sans le génie mélodique de certains de ses contemporains.

Son Don Quixote est assez sympathique au personnage créé par Cervantes. Il souligne les éléments positifs tout en évitant d’accentuer le caractère parfois burlesque et caricatural qui lui est erronément associé. Le long poème symphonique de près de 30 minutes dépeint Quichotte selon trois thèmes principaux : un héroïsme teinté d’une certaine banalité, un altruisme rêvé et fantasmé, puis un idéalisme romantique et naïf.
Aucun des trois thèmes n’est puissamment mémorable, mais le sens de la coloration et l’expression dramatique de Rubinstein lui permettent de créer un flot continu de mouvements et un dialogue entre les motifs qui invitent au sourire. L’utilisation de rythmes de valse triviaux permet de souligner l’aspect dérisoire du personnage. Des développements instrumentaux parfois habiles constituent également l’une des belles qualités de l’œuvre. Tchaïkovsky disait bien aimer cette pièce, mais avouait que « son caractère épisodique lui rappelait un peu de la musique de ballet-pantomime », ce qui est fort bien dit, et assez conforme à ce que j’ai ressenti.

Ivan IV est du même acabit, quoique plus sérieux, le sujet aidant. Rubinstein, encore une fois, est assez bienveillant envers son sujet, soulignant sommes toutes assez timidement le côté obscur (et plutôt envahissant) du célèbre tsar. Ivan IV est construit comme une étude psychologique plutôt que comme un portrait à la fois personnel et séquentiel tel que réalisé pour Don Quixote. La musique est aussi belle que l’autre, et aussi peu mémorable.

Une belle addition qui nous permet de mieux connaître le côté cosmopolite européen de la musique russe du XIXe siècle, sans toutefois constituer un must incontournable.

Frédéric Cardin

Petrassi: Magnificat; Salmo IX ches Chandos

Petrassi: Magnificat; Salmo IX
Sabina Cvilak, soprano
Coro Teatro Regio Torino
Orchestra Teatro Regio Torino
Gianandrea Noseda, dir.
Chandos: CHAN 10750

La musique de Goffredo Petrassi (1904-2003) est assez peu connue malgré la longue et fructueuse carrière de l’Italien né tout près de Rome. Destiné à une carrière de vendeur par son père, il eut la chance de travailler dans un magasin de partitions musicales! 
Ses talents de chanteur aussi bien que de pianiste attirèrent l’attention du professeur Alessandro Bustini, qui enseigna également à Bruno Maderna. Ceci dit, la comparaison entre les deux élèves (Petrassi et Maderna) s’arrête ici.

Le langage de Petrassi est enraciné dans la musique sacrée ancienne qu’il chanta comme choriste et une certaine rigueur de la forme et de l’harmonie qui l’éloignent du modernisme plus radical de l’autre.
Les deux œuvres présentées sur ce très beau disque sont excellentes. Le Magnificat est expansif et jubilatoire. Petrassi dessine une partition équilibrée entre la puissance sonore de la masse chorale et les coloris que lui permet un savoir orchestral évident. Le sujet du texte lui offre l’occasion de faire chatoyer les sections et même les solistes instrumentaux. Cette œuvre est tout simplement magnifique, éminemment accessible sans faire appel aux stéréotypes et à la facilité.

Le Psaume no.9 (Salmo IX) a été composé quelques années avant le Magnificat. Il porte la marque d’une influence majeure des débuts de Petrassi : Stravinsky (et surtout son Oedipus Rex). Le traitement des forces en présence est plus granitique, organisé généralement, mais pas exclusivement, en masses chorales soutenues par le bloc de l’orchestre. L’écriture est aussi plus chromatique. Mais ce qu’il y a de fascinant, c’est une sorte de sublimation, comme chez Stravinsky, du classicisme et du sacré d’origine baroque. Le modernisme de l’harmonie est tout entier dévoué à une expression dramatique et communicative du texte (Petrassi est, en cela, indéniablement italien!). Des moments de lumière éblouissants côtoient une tension continuelle qui n’a cependant rien d’oppressant.

Une superbe découverte pour tous ceux qui s’intéressent à la musique sacrée du XXe siècle.

Frédéric Cardin

Delius: Piano Concerto; Paris; Idylle de printemps; Brigg Fair chez Chandos

Delius: Piano Concerto; Paris; Idylle de printemps; Brigg Fair
Howard Shelley, piano
Royal Scottish National Orchestra
Sir Andrew Davis, dir.
Chandos: CHAN 10742

La musique de Frederick Delius a souvent été qualifiée d’impressionniste, faisant de son auteur une sorte de Debussy britannique. Bien que la palette expressive de Delius se pare souvent de couleurs subtilement agencées en gestes délicats et savamment dépouillée du plus séduisant effet, son parcours musical est plus enraciné dans le romantisme que celui du Français.
Delius n’a pas occasionnée le même type de rupture que Debussy. La preuve est manifeste dans ce disque où se côtoient des œuvres résolument romantiques et d’autres plus modernes pour leur époque.

Le Concerto pour piano est constitué d’une gestuelle ample et vigoureusement expressive, dans l’esprit de Grieg ou même un peu Liszt. Si vous aimez Delius pour ses scintillements en demi-teintes, vous serez passablement surpris par cet opus particulièrement tributaire de la grande tradition romantique du 19e siècle, Surpris, certes, mais également séduit, je pense. La partition, bien que dénuée de mélodie forte et accrocheuse, possède néanmoins une force d’expression certaine, et surtout la marque du compositeur, ce chatoiement particulier de l’écriture symphonique. Rarement jouée, nous avons ici la version en 3 mouvements du Concerto que Delius arrangea après avoir écrit la version que nous connaissons (un peu) mieux, celle en un seul mouvement.

Paris – A Nocturne est un poème symphonique qui rend hommage à la ville qui a abrité le compositeur pendant plusieurs années. On reconnaît ici le Delius des ondoiements d’ombre et de lumière. Magnifique portrait d’une ville qui sait séduire, mais qui sait également induire le sens de la séduction chez les artistes qui la goûtent!
Idylle de printemps, luxuriant morceau symphonique, rappelant un peu le Faune de Debussy, mais avec une rondeur romantique que l’autre avait délaissée.
Brigg Fair est le plat de résistance, si je peux me permettre. Sous-titré An English Rhapsody, il s’agit d’une fabuleuse promenade dans l’âme pastorale anglaise. C’est le Delius de la maturité qu’on y entend, celui qui manie les entrelacs de mélodies et les coloris délicats avec une rare finesse. 

Le Royal Scottish National Orchestra est un véhicule exceptionnel pour ce genre de musique, Sir Andrew Davis, un chef inspiré par son sujet et Howard Shelley, un interprète convaincant dans le Concerto.

Frédéric Cardin

Clementi : Symphonies nos 1 & 2; Ouverture en ré majeur chez Naxos


Clementi : Symphonies nos 1 & 2; Ouverture en ré majeur
Orchestra Sinfonica di Roma
Francesco La Vecchia, dir.
Naxos: 8573071

Clementi fut l’un des seuls italiens de son époque à pouvoir rivaliser avec les Viennois dans le domaine de la symphonie, bien qu’il ait vécu une bonne partie de sa vie à Londres.
Clementi contribua à sa propre éclipse des mémoires (du moins en ce qui a trait à la forme symphonique) en détruisant ses manuscrits dans un accès de rage (ou de désespoir) devant le peu de cas que faisaient ses contemporains de ses partitions symphoniques. Il faut dire que l’éclat éblouissant de la perfection germanique de Mozart, Haydn et Beethoven était impossible à surpasser.
C’est en 1935 qu’un autre Italien, Alfredo Casella, reconstruisit les deux symphonies présentes sur ce disque à partir de documents trouvés à la Bibliothèque du Congrès.
Ce que l’on entend, sans atteindre la dimension des Viennois, est tout à fait réjouissant. Des mouvements allants qui ont du souffle et des passages andante traversés de fort belles lignes mélodiques.
La lecture de l’orchestre romain sous la direction de Francesco La Vecchia est on ne peut plus sympathique à son sujet et convaincante. La Vecchia est manifestement assuré (et fier!) d’avoir sous la main des partitions de très grande qualité de l’un de ses compatriotes. Je crois bien qu’il a raison.

Frédéric Cardin

lundi 11 mars 2013

Tim Brady: Atacama chez Atma.




PRIX OPUS:  CRÉATION DE L'ANNÉE
Atacama : Symphonie no 3, Tim Brady, Atacama !, Bradyworks et VivaVoce
 
 Atacama Symphonie No. 3, une création du compositeur montréalais Tim Brady avec les musiciens de Bradyworks, l’ensemble vocal VivaVoce, et le compositeur lui-même à la guitare électrique. La source d’inspiration du compositeur pour cette œuvre puise dans un livre de poèmes du poète chilien Elías Letelier — «des textes qui évoquent la terreur politique dans le Chili de l’ère Pinochet, mais utilisant d’étonnantes métaphores d’espoir et d’amour, en plein cauchemar peuplé de tortures et de disparitions», comme le dit Brady.
Tim Brady mène une carrière de compositeur, guitariste et producteur dans le domaine de la musique de création depuis 1980. Il a écrit plus d’une centaine d’œuvres, dont des opéras, des symphonies et maintes œuvres utilisant la guitare électrique en musique contemporaine. Tim Brady est actuellement compositeur en résidence à l’Orchestre symphonique de Laval. Il est aussi président du Réseau canadien pour les musiques nouvelles.

Atma Classique: ACD2 2676

Sonatas & Suites de Bréville, Koechlin et Tournemire chez Atma




Ce nouvel enregistrement ATMA de l’altiste canadien Steven Dann permet de renouer avec trois compositeurs injustement oubliés, de la même génération que Claude Debussy et Maurice Ravel. Deux d’entre eux, Charles Tournemire (1870-1939) et Pierre de Bréville (1861-1949) ont été des élèves de César Franck, et le troisième, Charles Koechlin, est issu de l’école de Gabriel Fauré.

• Ce n’est qu’en 1894 que l’alto entre par la grande porte au Conservatoire de Paris, 99 ans après le violon et le violoncelle, suscitant dans les années qui suivent une éclosion de musique française pour cet instrument. C’est ce répertoire encore méconnu que Steven Dann et James Parker nous font découvrir sur ce disque, qui comprend deux œuvres enregistrées pour la première fois.

• Depuis 1990, Steven Dann est membre des Smithsonian Chamber Players à Washington DC, quatuor à cordes en résidence au Smithsonian Institute. Il est également altiste du Trio Zebra et du ARC Ensemble de Toronto. Steven Dann enseigne l’alto et la musique de chambre à la Glenn Gould School du Royal Conservatory of Music de Toronto. Il joue sur un alto Joseph Gagliano fabriqué dans les années 1780

• Professionnel accompli, James Parker est un soliste et musicien de chambre reconnu. Il est le pianiste du réputé Trio Gryphon de Toronto. De plus, les prestations de M. Parker avec les orchestres symphoniques majeurs du Canada dont ceux de Toronto, Vancouver, Ottawa et Nova Scotia, soulignent sa vaste contribution à la vitalité de la musique classique au pays. James Parker occupe maintenant la chaire Rupert E. Edwards en interprétation piano de la faculté de musique de l’université de Toronto.

Atma Classique: ACD2 2519

O sweet woods chez Atma



 Les chansons écossaises et irlandaises, ainsi que les pièces instrumentales de ce disque ont été choisis parmi une sélection d’enregistrements ATMA réalisés avec la soprano Meredith hall, le contre-ténor Matthew White et le ténor Michael Slattery, accompagnés par les musiciens de La Nef et de l’ensemble Skye Consort.
• Les textes de ces mélodies écossaises et irlandaises traditionnelles des XVIIe et XVIIIe siècle sont intimement liés à la vie sociale des gens de cette époque et mettent souvent en scène les amours des lads et lassies. Le ténor Michael Slattery chante des airs de John Dowland pourvues d’une touche irlandaise, alors que Meredith Hall et Matthew White interprètent des chants écossais de l’époque de la célèbre bataille de Killiecrankie.
• Dirigés par Sylvain Bergeron et Matthew White respectivement, les musiciens de La Nef et du Skye Consort puisent leur inspiration dans les répertoires de la musique ancienne et traditionnelle. Selon le répertoire abordé, ils font appel à des musiciens et artistes tous azimuts.


Atma Classique: ACD2 3012

Francis Poulenc, musique de chambre chez Atma



 Pour souligner le 50eme anniversaire de la mort de Francis Poulenc (1899-1963), l’ensemble Pentaèdre offre un vaste éventail de la musique de chambre de cet illustre compositeur français.
• Le catalogue d’œuvres de Poulenc compte près de 200 titres, une place de choix est faite à la musique vocale (opéras, musique sacrée et mélodies), et il comprend également de nombreuses pièces pour piano, quatre concertos, de la musique de scène, trois ballets ainsi qu’une douzaine d’œuvres de musique de chambre. Pour ce nouvel enregistrement, Pentaèdre a choisi quelques unes des œuvres majeures de ce corpus, dont le Sextuor et le Trio avec piano, ainsi que quelques sonates pour divers instruments à vent.
• Pentaèdre est composé de cinq musiciens talentueux, dont la technique et la précision de jeu sont unanimement reconnues. Flûte, hautbois, clarinette, cor et basson apportent chacun leur couleur très particulière pour donner cette sonorité unique, riche et homogène, qui fait la marque distinctive de l’ensemble. Le pianiste québécois David Jalbert se joint à l’ensemble pour les œuvres avec piano.


Atma Classique: ACD2 2646

mardi 5 mars 2013

Stabat Mater de Dvorak chez Hänssler Classics


Notre réédition de la semaine!

Marina Shaguch, soprano
Ingeborg Danz, alto
James Taylor, ténor
Thomas Quasthoff, basse.
Oregon Bach Festival Chorus & Orchestra.
Helmuth Rilling.
Enregistrement: juillet 1995.

Quelle belle idée de Hanssler Classics de rééditer des oeuvres sacrées sous la direction de Helmut Rilling.
Une occasion de retrouver des chanteurs exceptionnels, tels que Quathoff, Taylor,Shaguch ou Danz, dans l'ambiance des festivals Bach d'Orégon aux USA.
Avec  de la musique, sans aucune déformation "professionnelle", ce disque témoigne de l'intensité et du niveau technique que ce festival a toujours eut sous la "main" de Rilling.
Que dire du Stabat Mater de Dvorak, peut-être un des plus beaux qu'un compositeur a pu faire, Dvorak l'a commencé à écrire en 1875, juste après la perte de sa fille Josefa, pour le finir en mai 1876, juste avant la mort de sa fille aînée Ruzena. Évidement ce Stabat a opéré comme une sorte de catharsis entre ces deux déchirement, et ça ce sent dans la musique. Dvorak lui a imprimé une tension, surhumaine, parfois difficile à supporter. Les thèmes cycliques, avec des tournures chromatiques abondent, et donne à cette oeuvre une allure un peu intemporelle.
Que dire de l’interprétation: je suis un fan inconditionnel de Rilling. Il connait des subtilités qui échappent à bien d'autres chefs d'orchestre, plus médiatisés et oui, beaucoup plus "Majors".
Si vous pouvez vous procurer l'un de ces CD doubles, je vous le recommande. Vous allez être surpris, non seulement par l'humanisme, mais surtout par la musique.

Hanssler Classics: 98006

Philippe Adelfang.

samedi 2 mars 2013

Brahms, ce révolutionnaire tranquille!



Brahms, ce révolutionnaire tranquille!

Chamber Orchestra of Europe
Paavo Berglund, dir.
Enregistrement: mai 2000 à Baden-Baden.
Ondine: ODE 1229-2T

Je me suis souvent demandé en quoi résidait la complexité de la musique de Brahms. Surtout dans ces symphonies. Au nombre de quatre, elles sont considérées comme une prolongation du testament symphonique de Beethoven. Mais est-ce vrai? À part la première, et plutôt son dernier mouvement, je ne serais pas si sûr de l'affirmer pour les trois autres.
La révolution de Brahms réside dans la base de la musique, le discours. Cette révolution est avant tout sémiotique. L'endroit où Brahms a pu innover est, dans l'essentiel et le fondamental de tout discours musical, la structuration des phrases. C'est à ce niveau qu'il a transgressé le plus, en créant des déséquilibres en opposition à la traditionnelle phrase de 4 + 4 + 4 +4 mesures héritée de la tradition classique. Évidemment, pour accomplir un tel exploit, il faut aussi innover dans le domaine harmonique, qui pour Brahms est une fonction organique de l'oeuvre, héritage beethovénien.

Doit-on jouer les symphonies de Brahms avec un orchestre de chambre?
À première vue, tous les instruments sont là: 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones + tuba, les bois par deux + les cordes, mais avec seulement 6 violoncelles et 4 contrebasses pour équilibrer la masse sonore. Évidement c'est l'orchestre dont Brahms a disposé à Meningen au moment de la création de sa quatrième symphonie.
Je pense que la réponse à cette question est tout à fait subjective et complexe.Car la prise de son et le mixage sont différents, plus "rapprochés" que dans l'orchestre normal. Les versions dites "de chambre" sont plus exposées à ce type d'enregistrement. Naturellement si la densité de l’émission sonore diminue, soit on augmente le volume, soit on se rapproche, pour équilibrer l'écoute.

Mais ce sont des choix qui ne nient pas les interprétations. De toute façon la musique il faut la faire quand même. Et les réponses aux défis de toute version intégrale, il faut les avoir.
Le regretté Paavo Berglund (1929-2012) les a eu, avec cette Chamber Orchestre of Europe, les musiciens sont excellents, et cette version de chambre leur rend justice, en laissant en premier plan toute la musicalité, précision et dynamique.Sans doutes on n'arrivera jamais à équilibrer toute une dynamique sonore manquante avec la prise de son ou le mixage, mais au moins l’illusion est créée.

Alors pour revenir au titre de cette chronique,cette belle intégrale est aussi bien une révolution sonore.

Ondine: ODE 1229-2T

Philippe Adelfang.